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dure, de l’autre par un lac aux eaux dormantes, à peine visible sous le manteau de plantes aquatiques dont il était couvert, et au milieu par la ceinture de saules et de cotonniers dont nous avons déjà parlé : c’était le val d’Or.

Au premier aspect, cet ensemble ne s’offrait aux regards que comme la sombre et bizarre décoration d’une nature sauvage ; mais l’œil scrutateur du gambusino eut bientôt su deviner les trésors sans nombre que recélait cette enceinte.

Rien ne trahissait encore dans ces lieux déserts la présence d’êtres animés, quand trois hommes, jusque-là cachés par les inégalités du terrain, apparurent tout près du val d’Or.

Tous trois semblaient jeter autour d’eux des regards étonnés et presque craintifs.

« Si le diable a quelque part un pied-à-terre dans ce bas monde, dit Pepe en arrêtant ses deux compagnons et en leur montrant le manteau de brume qui couvrait la chaîne de montagnes, ce doit être à coup sûr parmi ces gorges sauvages.

— S’il est vrai, comme on ne peut en douter, que c’est l’or qui fait commettre le plus de crimes sur la terre, il est plutôt à croire que l’Esprit du mal a choisi pour demeure ce val d’Or, qui contient, à votre dire, don Fabian, de quoi perdre une génération tout entière.

— Vous avez raison, répondit Fabian, dont la contenance était solennelle et le visage pâle, c’est ici peut-être, dans l’endroit que je foule à présent, que le malheureux Marcos Arellanos a été assassiné par l’homme qui l’accompagnait. Ah ! si ces lieux pouvaient parler, je saurais le nom de celui que j’ai juré de poursuivre ; mais le vent et la pluie ont effacé la trace des pas de la victime comme de ceux de l’assassin, et la voix du désert est restée muette.

— Patience, mon enfant, patience, reprit gravement Bois-Rosé, je n’ai jamais vu dans le cours d’une longue