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Couché dans son tombeau, il dominait, comme le génie de la déprédation, sur ces plaines où tant de fois avait retenti son cri de guerre, et qu’il avait parcourues sur ce cheval de bataille dont les ossements blanchissaient à côté de lui à la rosée des nuits et à l’ardeur du soleil. Des oiseaux de proie qui volaient au-dessus de cette sépulture faisaient entendre leurs cris aigus, comme s’ils eussent voulu réveiller celui qui dormait à jamais, et dont la main glacée ne devait plus préparer leurs sanglants festins.

Quelques minutes plus tard, l’horizon opposé aux collines Brumeuses se teignit d’une pâle lumière ; des nuages roses s’élancèrent vers le zénith : bientôt après, semblable à la première étincelle d’un incendie qui s’allume, un rayon de soleil frappa comme une flèche d’or le brouillard opaque de la sierra, et des flots de lumière inondèrent d’une nappe de flammes les profondeurs des vallées.

Le jour était venu dans tout son éclat, mais un manteau de brume dérobait encore la masse des collines. Ces brumes, bientôt soulevées par le vent du matin comme une draperie flottante, se divisèrent peu à peu. Des flocons de vapeur se suspendaient capricieusement aux feuilles des buissons, ou bondissaient comme des chamois de tige en tige. Tantôt ils laissaient voir de sauvages précipices et des chutes d’eau qui écumaient le long de leurs flancs, tantôt ils découvraient de profonds défilés à l’entrée desquels les offrandes de la superstition indienne envers les génies des montagnes s’étalaient avec profusion.

Au-dessus du tombeau du chef indien, et derrière les ossements à jour du cheval de bataille, la cascade lançait une poussière humide où se reflétaient sans cesse des arcs-en-ciel fugitifs. Enfin, au pied de la pyramide se présentait un étroit vallon fermé d’un côté par des roches à pic d’où pendaient de longues draperies de ver-