Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/448

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les chariots et étaient restés étourdis sur le coup ; les autres galopaient déjà dans la plaine.

Cette nouvelle catastrophe, en fondant sur les Mexicains, fut cependant sur le point de leur être favorable.

Les Indiens, subitement remis en selle, s’apprêtaient à poursuivre ce butin vivant fuyant loin d’eux. Quelques-uns même s’élançaient déjà après les animaux dispersés ; malheureusement pour les blancs, la voix de l’Oiseau-Noir les retint.

Un mot expliquera maintenant la présence inattendue des sauvages.

Les Apaches avaient employé contre les Mexicains une ruse que de hardis écuyers comme eux peuvent seuls pratiquer. Suspendus par une jambe à leur selle, le corps caché derrière les flancs de leur cheval, les Indiens peuvent parcourir ainsi de longues distances. Les ténèbres avaient rendu plus facile l’emploi de ce stratagème, et les aventuriers n’avaient vu que des chevaux sauvages en apparence, sans apercevoir les cavaliers qui les conduisaient.

Comme un tourbillon de poussière que le vent chasse devant lui et qui s’engouffre dans un passage étroit qu’il rencontre, les cavaliers se précipitèrent par l’ouverture restée libre. Le sol trembla bientôt sous le galop du gros des Indiens qui accouraient se joindre aux premiers, quand Gomez leva son poignard sur l’Indien assis près de lui ; mais l’Antilope le prévint. Son manteau glissa sur ses pieds, et, d’un coup de la hache qu’il avait saisie, il fendit jusqu’aux yeux le crâne du malheureux chercheur d’or.

Au même moment, un cri de guerre si imprévu, si déchirant qu’on l’aurait dit échappé du gosier d’un démon plutôt que d’une poitrine humaine, retentit à l’entrée de la tente de don Estévan.

L’Antilope, c’était lui qui avait poussé le signal du carnage, bondit, ainsi qu’il l’avait promis à l’Oiseau-