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Il accourut en toute hâte apporter au camp la nouvelle de la disparition des Indiens. Cet incident était un fâcheux symptôme.

Du haut de l’éminence qu’il continuait à occuper, l’Antilope n’avait pas perdu un seul mouvement de ses compatriotes. Gomez, pressé par les aventuriers de s’expliquer avec l’Indien à ce sujet, se rendit près de lui, quoiqu’à contre-cœur.

« Pourquoi le chef n’a-t-il pas ordonné à ses guerriers de rester près des blancs ? dit-il.

— Que veut dire mon frère, répondit l’Indien, qui jouait l’ignorant, et de quels guerriers veut-il parler ?

— De ceux qui étaient tout à l’heure assis là-bas comme des amis, et qui viennent de disparaître comme des ennemis.

— La vue est courte dans les ténèbres ; les blancs n’ont pas bien regardé ; qu’ils allument leurs feux, et la flamme leur fera voir ceux qu’ils cherchent ; mais qu’importe, du reste : n’ont-ils pas entre leurs mains le chef de toute une tribu qui attend le retour de ses messagers ? Nos guerriers auront été leur dire de se hâter. »

Cette réponse de l’astucieux Indien frappa d’un souvenir soudain l’esprit de Gomez. Il tressaillit, et le coureur le remarqua ; il venait de se rappeler que, la veille, tout le bois sec destiné à éclairer le camp avait été consumé, et que, dans le tumulte du jour on avait oublié d’en renouveler la provision. Il était trop tard pour le faire à présent.

Cette circonstance si favorable à ses desseins perfides, et si alarmante pour les blancs, n’avait pas plus que les autres échappé à l’œil du coureur, et il avait voulu éclaircir ses doutes à cet égard ; maintenant il ne doutait plus.

Une sueur froide passa sur le front de Gomez et la pensée de cette impardonnable négligence. Sa seule consolation fut de penser que la fuite des Indiens ne cachait