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saient aussi immobiles que ces blocs de pierre auxquels l’obscurité prête parfois une forme humaine ; mais peut-être par l’effet de cette obscurité, ils semblaient de minute en minute plus éloignés.

« C’est étrange, dit un des aventuriers d’un air pensif à Gomez, ces Indiens me paraissaient tout à l’heure plus près de ce pli de terrain.

— C’est un effet d’optique, répondit Gomez, disposé à voir tout en beau.

— Tenez, Gomez, ajouta un autre, je ne sens pas ici, dans le camp, le moindre souffle d’air, et la brise semble soulever là-bas, devant les Indiens, des tourbillons de sable.

— C’est que nous sommes abrités du vent par nos chariots, et là-bas l’immensité n’a pas d’abris. »

Cependant, à en juger par les Indiens, dont le groupe devenait de moins en moins distinct, les ténèbres semblaient redoubler ; puis, parmi ceux à qui Gomez cherchait en vain à communiquer la confiance que lui inspirait son otage, plusieurs se demandèrent si des silhouettes éloignées qu’on voyait à peine étaient celles des Indiens ou de buissons de nopals.

Bientôt l’incertitude à cet égard devint si grande qu’un des aventuriers résolut de s’assurer de la réalité, et s’éloigna sa carabine sur l’épaule.

C’étaient bien des buissons de nopals, en effet, et non des hommes et des chevaux qu’on apercevait. Les Indiens avaient profité de l’obscurité croissante pour s’éloigner doucement sans changer de position. Les tourbillons de sable qu’ils lançaient en l’air leur avaient également servi à voiler leurs manœuvres, et ils avaient rejoint leurs compagnons.

Quand l’explorateur parvint à l’endroit où les Apaches s’étaient assis, il trouva leur place vide, et la solitude partout, aussi loin du moins que son regard put s’étendre.