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de l’œil toutes ces manœuvres, virent un des cavaliers apaches s’éloigner au galop. Les autres Indiens restèrent assis par terre, la bride de leurs chevaux dans leurs mains.

Cependant le temps s’écoulait. Le soleil avait disparu de l’horizon. Quelques nuages dont les éclatantes couleurs commençaient à pâlir indiquaient la venue de la nuit.

Don Estévan, Diaz, Baraja et Oroche, dont les Mexicains répétaient à chaque instant les noms, étaient toujours vainement attendus. La nuit qui déployait déjà son voile redoubla l’inquiétude dans le camp. Les Indiens sont changeants et capricieux ; une attaque soudaine pouvait succéder à des propositions de paix qui ne s’étaient que vaguement formulées. Gomez combattait ces inquiétudes.

« Tant que l’Indien restera parmi nous, qu’avez-vous à craindre ? Sa tranquillité n’est-elle pas pour vous un signe de la franchise de ses intentions ? »

La silhouette noire de l’Antilope se dessinait encore à l’œil malgré la nuit. Le coureur n’avait pas changé d’attitude ; seulement, s’il eût été jour, on eût pu voir qu’il penchait légèrement la tête, comme pour prêter une oreille plus attentive aux bruits qui viendraient à troubler le silence du désert.

Ce silence était imposant. Ces grandes plaines ondulantes que couvraient un ciel noir où les étoiles naissaient l’une après l’autre, étaient muettes comme lui. C’est quand les ténèbres succèdent à la clarté du soleil que le désert prend un caractère de grandeur plus sauvage, et la nuit était venue avec son cortège de terreurs.

Dans le camp, le calme effrayant des solitudes dévastées qui l’entouraient n’était troublé que par les chuchotements de quelques groupes d’aventuriers, ou le chant à demi voix d’un chercheur d’or inquiet. Tous jetaient de temps à autre des regards de défiance sur le groupe d’Apaches assis aux pieds de leurs chevaux. Ils parais-