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— Il attendra la mort, immobile, les yeux fixés sur ses ennemis et il rira de leur colère et de leurs couteaux. »

C’était précisément une vie précieuse pour sa nation que le coureur voulait lui conserver, et il insista plus ardemment encore.

« L’Antilope, répondit-il, se rira comme l’Oiseau-Noir de la rage de ses ennemis. Il opposera à leurs coups une âme aussi forte, mais il aura pour lui le secours d’une vigueur qu’aucune blessure n’affaiblit. »

Pendant que les deux Apaches luttaient ainsi de générosité, les Mexicains comptaient avec une inquiétude mortelle toutes les minutes qui s’écoulaient sans ramener don Estévan. Personne parmi eux cependant ne désirait plus vivement son retour que Gomez, qui, malgré ses fanfaronnades, ne redoutait rien tant que de se retrouver en face des deux Indiens comme négociateur ou comme chef.

Un silence morne régnait dans tout le camp, lorsqu’au bout d’une heure environ on vit l’Oiseau-Noir sortir de la tente, descendre l’éminence et se diriger vers le groupe dont Gomez faisait partie.

« Mes guerriers, dit l’Indien, sont impatients aussi d’entendre de la bouche de leur chef les espérances de paix et d’amitié prochaines avec les blancs. L’Oiseau-Noir reviendra bientôt parmi ses amis : il laisse son compagnon au milieu d’eux.

— Allez, » dit Gomez d’un ton de gravité majestueuse dont il se sut gré en présence de ses compagnons.

L’Indien sortit comme il était entré, sans détourner la tête, sans paraître céder au moindre mouvement de curiosité.

Le chef, après avoir rejoint les quatre guerriers qui l’attendaient, s’entretint quelques instants avec eux. Il parut désigner du doigt la tente à l’entrée de laquelle le coureur était assis immobile et grave comme une statue. Au bout de quelques minutes, les blancs, qui suivaient