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— L’Antilope et l’Oiseau-Noir attendront leur retour, reprit résolûment l’Indien ; jusqu’à ce moment la bouche des deux guerriers sera muette. »

En effet, les Indiens fermèrent dédaigneusement les yeux, en ramenant sur leurs épaules leur manteau de peau de buffle, et ne parurent plus s’occuper de la présence de leur hôte.

Cette résolution, quelque blessante qu’elle fût pour l’amour-propre du prétendu chef, mettait fin du moins à ses perplexités. Le poids du commandement lui paraissait trop lourd, et son rôle improvisé trop difficile à remplir pour qu’il n’éprouvât pas quelque soulagement d’en être débarrassé jusqu’au retour de don Estévan et de Diaz, qui, pensait-il, devait avoir lieu promptement.

« Mes frères là-bas sont impatients, dit Gomez, de connaître les paroles des chefs indiens, j’irai les leur transmettre.

— Allez, » répondit laconiquement l’Oiseau-Noir.

Gomez ne se fit pas prier, et il descendit l’éminence, joyeux comme un écolier qui vient de mettre fin à une tâche pénible.

Il donna le détail de son entrevue, en omettant néanmoins tout ce qui avait été blessant pour son orgueil, et il représenta comme uniquement dû au mélange de fermeté et de finesse dont il avait fait preuve l’avantage inappréciable d’avoir obtenu qu’on attendît le retour de don Estévan.

Le temps s’écoulait, et il n’arrivait pas.

Dans cet intervalle, une discussion fort vive avait lieu à voix basse entre les deux Indiens demeurés dans la tente d’Arechiza.

L’Oiseau-Noir avait conçu un plan hardi depuis qu’il s’était assuré que le véritable chef était absent, et qu’il n’en avait vu dans Gomez qu’une pâle et triste image : et il réclamait pour lui seul tous les dangers de l’exécution de son projet. L’Antilope s’y opposait, et avide de ces