Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tante avait dû être arrachée à sa base, et ils espéraient la trouver échouée non loin de son point de départ.

Mais les Indiens marchèrent longtemps sans apercevoir aucune trace de ceux qu’ils cherchaient. Un d’eux jeta, il est vrai, un cri de joie à l’aspect des traces des fugitifs qui montraient l’endroit où ils avaient pris terre sur la berge ; les précautions de Bois-Rosé n’avaient pu les cacher à l’œil des Apaches ; mais le soin qu’il avait pris de disjoindre les pièces de bois du radeau, et de l’anéantir entièrement, les trompa.

L’eau avait charrié au loin les herbes, les branches, les racines, et les Indiens n’aperçurent, jusqu’où leur vue pouvait s’étendre, rien qui leur retraçât la forme connue de l’îlot.

Les traces empreintes sur le rivage ne s’étendaient qu’à quelques pas ; il était donc évident que les fugitifs avaient continué leur navigation bien au delà, et qu’ils avaient l’avantage d’une avance qu’il était inutile de chercher à leur disputer.

Malgré sa déconvenue à cette nouvelle preuve de l’impuissance où il était d’atteindre les trois chasseurs objets de sa haine, l’Oiseau-Noir avait eu le temps de reprendre son empire sur sa physionomie. L’Indien demeura donc impassible.

La soif du sang allumée chez lui ne s’éteignit pas ; mais elle laissa voir, les fugitifs une fois disparus, un autre but à poursuivre : tout en subissant forcément la nécessité d’ajourner sa vengeance, il lâcha la bride à son impétueuse ambition.

Pour la seconde fois, il éprouva le besoin de se disculper aux yeux du messager. L’astucieux Indien poussa un soupir de soulagement comme un homme victime d’une hallucination funeste, au moment où ses yeux se dessillent.

Après avoir lancé dans la direction du cours de la