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« Les sens de l’Indien ont des bornes, dit-il ; il ne saurait entendre l’herbe pousser, son œil ne pouvait percer les nuages qui voilaient la rivière. L’Oiseau-Noir a fait ce qu’il a pu, il n’a négligé aucune précaution : l’Esprit d’en haut n’a pas voulu qu’un chef perdît son temps à verser le sang de trois blancs, parce qu’il lui en réserve des flots à faire couler là-bas. »

L’Indien montrait du doigt la direction du camp mexicain.

L’Oiseau-Noir, épuisé par l’effort qu’il avait fait, par la rage qui le consumait, ne put répondre. Sa blessure s’était rouverte et son sang coulait de nouveau à travers ses ligatures de cuir. Il chancela, ses jarrets se ployèrent, et le messager fut obligé de l’asseoir sur l’herbe, où il perdit connaissance.

Le délai qui s’écoula jusqu’au moment où l’Oiseau-Noir reprit ses sens sauva les quatre fugitifs, que les Apaches eussent surpris, sans doute, au milieu de leur marche lente dans la rivière.

De longs hurlements partant sur la rive opposée apprirent au chef sauvage, à l’instant où il ouvrait de nouveau les yeux, que ses compagnons venaient de s’apercevoir aussi de la disparition de l’île flottante.

« Nous allons chercher les traces des fugitifs, dit le coureur ; puis ensuite l’Oiseau-Noir entendra la voix de la nation ; ses oreilles ne seront plus sourdes. »

Les guerriers apaches, postés sur l’autre bord, reçurent l’ordre de venir rejoindre leur chef, et quand ils furent tous réunis, au nombre de trente environ, on hissa l’Indien blessé sur son cheval. Le messager, qui était venu à pied, car il avait été démonté dans l’attaque de la nuit précédente, monta en croupe derrière l’Oiseau-Noir pour l’aider à se maintenir en selle.

La cavalcade sauvage suivit alors le cours de la rivière. Le premier moment de surprise une fois passé, les Indiens avaient été forcés d’admettre que l’île flot-