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les avait transportés, quand le messager envoyé par les chefs pour offrir à l’Oiseau-Noir le commandement suprême ouvrit les yeux aux lueurs du malin. Quelques heures de sommeil avaient suffi pour délasser ses membres fatigués ; sur sa couche dure le guerrier des déserts n’a pas besoin d’un long repos. Le chef était toujours immobile, et paraissait, à la lueur du foyer qui s’éteignait, aussi sombre, aussi implacable que la veille.

« Les oiseaux commencent à chanter, dit le coureur dans ce langage coloré que les Indiens tiennent des Orientaux dont ils paraissent descendre. Le brouillard s’enfuit devant le soleil. La nuit a-t-elle porté conseil au chef en faveur de la peuplade qui attend sa venue ?

— À celui qui ne dort pas la nuit parle beaucoup, répliqua le chef, et toute la nuit l’Oiseau-Noir a entendu les gémissements de ses victimes ; il a écouté le grondement de la faim dans leurs entrailles, il a prêté l’oreille à toutes les voix de sa pensée, mais il n’a pas entendu les prières des guerriers de sa nation.

— Bon ! le messager rapportera fidèlement à ceux qui l’envoient les paroles qu’il vient d’entendre. »

Le coureur, prêt à partir, serrait plus étroitement sa courroie de cuir autour de ses reins, quand le chef le pria de l’aider à se mettre debout. L’Apache obéit. Une fois dressé, non sans peine, sur ses jambes, et en étouffant la douleur que lui causaient les élancements poignants de son épaule fracassée, l’Oiseau-Noir s’appuya sur le bras du coureur.

« Il est bon, dit le chef, d’aller interroger les vedettes de nuit, » et, accompagné et soutenu par l’Indien, l’Oiseau-Noir se dirigea d’un pas lent, quoique assez ferme, vers les divers foyers encore allumés.

D’autres sentinelles avaient remplacé les premières qui goûtaient à leur tour le sommeil, étendues dans leur peau de bison. Seul de tous les guerriers, l’Oiseau-Noir n’avait pas fermé les yeux. Les guetteurs étaient à leur