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le voulait ainsi, car la cupidité pouvait faire faire à d’autres ce qu’avait fait le bandit.

Après avoir feint une blessure mortelle, comme on l’a vu, Cuchillo, tombé dans le milieu du camp, s’était glissé silencieusement vers le côté des retranchements que les Indiens n’entouraient pas, son cheval l’avait suivi comme il était dressé à le faire depuis longtemps, et, à la faveur des ténèbres, il s’était élancé vers les collines dont il connaissait les abords.

La cupidité, la plus ardente de ses passions, lui avait fait fermer les yeux sur certains côtés défectueux d’un plan dont l’exécution offrait néanmoins tant de dangers.

Il était donc près de voir sa perfidie couronnée de succès ; l’œil étincelant de désirs, le cœur palpitant d’espoir et de crainte, il s’avançait à toute bride vers le val d’Or ; mais, comme l’avare qui redoute sans cesse qu’un œil invisible ne suive ses pas vers le trésor qu’il sait enfoui dans un endroit connu de lui seul, parfois il suspendait la rapidité de sa course pour prêter attentivement l’oreille aux vagues murmures de la solitude. Puis, après avoir interrogé du regard les profondeurs du désert, il reconnaissait que ses craintes étaient vaines, et il reprenait sa route avec une confiance et une ardeur nouvelles.

Parfois aussi l’aspect des lieux qu’il avait déjà vus éveillait en lui de sombres souvenirs. Son instinct l’avait bien guidé sur la même route : sur ce monticule, il s’était reposé avec Marcos Arellanos ; ce nopal leur avait fourni ses fruits rafraîchissants ; ils avaient contemplé tous deux avec une mystérieuse terreur l’aspect étrange des Collines-Brumeuses. Cuchillo courait toujours, le vent sifflait dans ses cheveux, son cheval hennissait, et son galop rapide emportait le meurtrier vers les lieux où sa victime avait trouvé la mort sous ses coups. Alors, à la crainte des ennemis qu’il cherchait à éviter succédait celle qu’inspire la conscience qui, distraite et assou-