Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poids terrible. Souvent j’ai fait un triste retour sur mon passé ; mais Dieu pardonne toujours au coupable repentant, parce que si l’une de ses mains pèse le crime, l’autre en présente l’expiation. Le jour de l’expiation est arrivé, le pardon est proche, et ce n’est que justice que je vous rende enfin, au risque de ma vie, ce que j’ai contribué à vous ravir.

— Marchons donc, reprit le Canadien, Dieu nous a tracé notre route à tous, et, comme vous le disiez, Fabian, il fera le surplus. Si vous restez, nous marcherons sans vous. »

À ces mots, le Canadien se leva en jetant sa carabine sur son épaule, et d’un geste d’autorité il engagea ses compagnons à le suivre. Fabian fut forcé d’obéir à l’irrévocable détermination de ses amis. Tous trois s’avancèrent résolûment vers les Collines-Brumeuses et ne tardèrent pas à disparaître derrière les anfractuosités du terrain.

Le crépuscule n’avait pas encore fait place au jour au moment où le chasseur canadien et ses deux compagnons venaient de quitter le lieu où ils avaient fait halte.

Un nouvel acteur s’avançait à son tour vers le théâtre des scènes que le jour allait éclairer.

Comme l’esprit du mal, comme le démon des ténèbres, celui-là venait seul. Son cheval, dans l’impétuosité de sa course, faisait voler sous ses pieds le sable et les graviers des plaines arides qu’il semblait dévorer. Son cavalier, dont les passions cupides animaient le visage sinistre, et dans ce cavalier on a reconnu Cuchillo, paraissait parfois cependant agité de secrètes terreurs.

En effet, sa fuite du camp pouvait n’avoir pas échappé, même dans le tumulte de l’action, à l’observation de quelqu’un de ceux qu’il abandonnait au moment du danger ; des rôdeurs indiens pouvaient avoir signalé sa désertion, et c’était là le motif de ses appréhensions.

Cependant Cuchillo n’était pas homme à tenter ce