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soient rendues à Dieu qui veut bien qu’en servant, lui et moi, la même cause, nous servions aussi la vôtre. Quoi qu’il arrive, nous ne ferons point un pas en arrière.

— Et puis, reprit l’ex-carabinier, comptez-vous pour rien, seigneur don Fabian, des monceaux d’or à récolter, toute une vie d’abondance pour un péril imaginaire ? car, je le répète, nous devons arriver les premiers au val d’Or, et un jour, une heure d’avance, peuvent nous enrichir à jamais ; vous voyez donc bien que nous ne sommes, au contraire, que d’indignes égoïstes, et que c’est nous qui risquons de vous sacrifier à notre intérêt personnel.

— Pepe a raison, ajouta le vieux chasseur, nous voulons de l’or, beaucoup d’or !

— Et qu’en feriez-vous de cet or ? demanda en souriant Fabian.

— Ce que j’en ferais ! s’écria Bois-Rosé en touchant du coude l’ex-carabinier, l’enfant demande ce que j’en ferais !

— Oui, j’insiste pour le savoir.

— Ce que j’en ferais ! reprit l’honnête Canadien que cette question n’embarrassait pas médiocrement, j’en ferais… parbleu ! j’en ferais… une foule de choses… et quand je ne l’emploierais, je vous prie, qu’à faire mettre à ma carabine un canon tout en or ! » ajouta-t-il d’un air triomphant.

Fabian ne put s’empêcher de hausser les épaules en souriant encore.

« Vous riez, reprit Bois-Rosé en s’animant, pensez-vous donc qu’en achevant un Apache, un Sioux ou un Pawnie d’un coup de couteau, il ne serait pas excessivement flatteur de pouvoir lui dire : Chien, la balle qui t’a cassé la tête sort d’un canon d’or massif. Allez, mon enfant, peu de chasseurs de castors pourraient en dire autant !