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— Écoutez, mon enfant, répliqua le Canadien avec quelque impatience, c’était avant de nous engager dans cette entreprise qu’il fallait faire des réflexions ; aujourd’hui elles sont trop tardives ; et pourquoi ne pensez-vous plus aujourd’hui comme hier ?

— Parce qu’hier encore la passion m’égarait ; parce que la réflexion a remplacé l’ardeur qui me poussait ; parce qu’enfin je n’espère plus… ce que j’espérais hier. »

Les passions contradictoires qui agitaient son cœur ne permettaient pas à Fabian d’expliquer plus clairement au Canadien le flux et le reflux de ses volontés.

« Fabian ! dit solennellement le Canadien, vous avez à remplir un saint et terrible devoir, et le devoir n’admet pas de transaction ; puis, qui vous dit que l’expédition commandée par don Antonio suit la même direction que nous ? Mais, la suivît-elle, tant mieux, le meurtrier de votre mère tombera dès lors entre nos mains.

— Le guide chargé de conduire les chercheurs d’or, répliqua Fabian, qui, par suite de son noble sacrifice, chercha à cacher à Bois-Rosé ses véritables sentiments, ne saurait être que ce misérable Cuchillo. Ne vous ai-je pas montré la trace de son cheval souvent isolée de celle de ses autres compagnons ? Or, si je ne me trompe, le val aux sables d’or doit être connu de lui ; en tous cas, nous devons attendre, quoi qu’il en coûte à votre impatience, le retour du soleil avant de nous engager en aveugles dans un pays que nous ne connaissons pas, et dans lequel ces aventuriers affamés de richesses peuvent être des ennemis aussi à redouter que les Indiens eux-mêmes. N’est-ce pas votre avis, Pepe ?

— Pendant presque toutes les heures de la nuit, le vent a apporté jusqu’à nos oreilles, répondit l’ex-carabinier, le bruit d’une fusillade qui prouve que le gros de la troupe a dû être aux prises avec les Indiens ; il