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d’heure de route, il arrêta ses compagnons sous prétexte qu’il avait besoin d’un instant de repos. Tous trois s’assirent sur un monticule du haut duquel ils pouvaient dominer tout le paysage désolé qui les entourait.

« Eh quoi ! don Fabian, dit Pepe d’un ton de joyeux reproche en montrant du doigt la masse encore indistincte des Collines-Brumeuses, le voisinage de ces lieux si fertiles en or ne devrait-il pas donner à vos jarrets une vigueur nouvelle ?

— Non, répondit Fabian, car je ne ferai point un pas de plus dans cette direction avant le lever du soleil.

— Ah ! interrompit brusquement le Canadien, et en répondant au geste d’étonnement de Pepe et à sa propre surprise, voilà du nouveau ; et pourquoi cela, s’il vous plaît ?

— Pourquoi ? parce que c’est ici un lieu maudit ; un lieu où celui qu’avant vous j’aimais comme un père a été assassiné ; parce que mille dangers vous y environnent, et que je ne vous ai que trop exposés déjà en vous faisant épouser ma cause.

— Quels sont donc ces dangers que nous ne saurions braver à nous trois ? Seraient-ils plus grands, par hasard, que celui auquel nous venons d’échapper ? Et s’il nous plaît, à Pepe et à moi, de les courir pour vous ? répondit le Canadien.

— Ces dangers sont de tous les genres, reprit Fabian ; pourquoi se faire illusion plus longtemps ? Tout ne prouve-t-il pas, dans la marche directe imprimée à l’expédition, que don Antonio de Mediana connaît comme moi l’existence du val d’Or ? Le guide qui conduit l’expédition marche à coup sûr, j’en ai aujourd’hui la certitude.

— Eh bien, demanda Bois-Rosé, que concluez-vous de tout ceci ?

— Que trois hommes, répondit Fabian, ne sauraient lutter contre soixante.