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puissions vous laisser ici une demi-journée, peut-être même un jour entier. Nous avons quelques affaires à terminer qui exigent trois hommes résolus. Si ce soir ou demain matin nous sommes encore de ce monde, vous nous verrez revenir à vous ; sinon… vous concevez, ce ne sera pas de notre faute. En attendant, voici de l’eau, de la viande sèche, et, avec ces provisions, vingt-quatre heures seront bientôt passées. »

Ce ne fut pas sans peine, comme on le pense bien, que le pauvre mutilé consentit à cette séparation : cependant, rassuré par une nouvelle et solennelle promesse des généreux chasseurs à qui il devait tant, il se résigna à les laisser partir.

« J’ai une dernière recommandation à vous faire avant de vous quitter, dit le vieux chasseur. Si le hasard amenait par ici les compagnons dont vous avez été si malheureusement séparé, j’exige, dans le cas où le service que nous vous avons rendu serait de quelque prix à vos yeux, que, sur le salut de votre âme, vous ne révéliez à aucun d’eux notre présence en ces lieux. Quant à la vôtre, vous la justifierez comme bon vous semblera. »

Gayferos promit de se conformer aux exigences du chasseur, et les trois amis s’éloignèrent d’un pas rapide.

À la veille de voir combler un de ses plus ardents désirs, quoi qu’il en pût arriver, c’est-à-dire celui d’enrichir l’enfant de son affection, d’ajouter à la fortune future de Fabian d’immenses trésors, Bois-Rosé semblait oublier, dans l’ardeur de son dévouement, que la conquête du val d’Or allait élever une barrière de plus entre Fabian et lui.

Pepe, prêt à réparer autant qu’il était en son pouvoir le mal involontaire qu’il avait causé à la famille des Mediana, marchait heureux aussi, d’un pas élastique et la conscience allégée. Fabian seul semblait échapper à cette influence de bonheur, et, au bout d’un quart