Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voix devant le charme surnaturel dont ce paysage austère paraissait revêtu.

Ces collines enveloppées d’un brouillard éternel, alors même que les plaines à l’entour resplendissaient des feux du soleil, semblaient cacher à leur sommet d’impénétrables mystères.

Parfois, au dire des voyageurs, sous la coupole d’un ciel pur de tout nuage, des éclairs éblouissants percent le voile de brume jeté sur les hauteurs ; les échos se renvoient des bruits sourds comme ceux d’un tonnerre lointain, et couvrent de leurs voix imposantes celles des cascades qui se précipitent dans les ravins béants. On dirait que des génies souterrains, gardiens invisibles de trésors cachés, luttent entre eux dans les entrailles de la terre, et que, selon les superstitions indiennes, ce dais de vapeurs cache la demeure inviolable des Seigneurs des Montagnes.



CHAPITRE XXXIV

LE DOIGT DE DIEU.


Cependant la fatigue et la souffrance accablaient le gambusino. Comme il était d’impérieuse nécessité de ne pas lui faire connaître la situation du val d’Or, et de ne pas lui en révéler même l’existence, Bois-Rosé et Pepe, d’un commun accord, résolurent, maintenant qu’il était en sûreté, de l’abandonner pour quelques heures, et d’employer ce temps à prendre connaissance des lieux décrits à Fabian par sa mère adoptive.

« Écoutez, mon garçon, dit Bois-Rosé à Gayferos, nous vous avons donné, sans que vous vous en doutiez, assez de preuves d’affection et de dévouement pour que nous