Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner la plus belle chasse que jamais gens de leur espèce aient pu donner à des chrétiens.

Tel était le désir de Gayferos de fuir au plus vite une nouvelle rencontre avec les Indiens, qu’il oublia presque les douleurs atroces qu’il endurait. Il déclara qu’il suivrait ses trois libérateurs aussi vite qu’ils pourraient eux-mêmes marcher, et proposa de partir sur-le-champ.

« Nous avons quelques précautions à prendre avant cela, dit Bois-Rosé ; reposez-vous encore quelques instants, jusqu’à ce que nous ayons dépecé et livré au cours de la rivière ce radeau qui nous a été si utile. Il est urgent que les Indiens ne retrouvent rien de nos traces. »

Tous trois se mirent à l’œuvre. Déjà disjointe par la rupture de la racine qui la retenait sur la rivière, et par le choc qu’elle avait reçu contre la berge où elle avait abordé, l’île flottante n’opposa pas une longue résistance aux bras réunis des trois chasseurs. Les troncs d’arbres qui la composaient furent successivement arrachés, poussés dans le courant qui les entraîna, et il ne resta bientôt aucun vestige du radeau que la nature avait mis tant d’années à construire.

Quand la dernière branche eut disparu aux yeux des chasseurs, Bois-Rosé, avec l’aide de Pepe, s’occupa d’effacer, en redressant la tige des herbes, l’empreinte que leurs pieds pouvaient y avoir laissée, et il donna le signal du départ.

Comme le plus grand et le plus fort des quatre fugitifs, il entra le premier dans l’eau à une distance du rivage suffisante pour qu’elle recouvrît la trace de leurs pieds, et que les Indiens pussent supposer ainsi qu’ils avaient continué leur navigation sur l’îlot. C’était une marche trop fatigante à suivre pour être rapide, et cependant, après une heure de route, au moment même où, malgré les chaussures qu’ils avaient conservées, leurs pieds endoloris allaient les forcer de s’arrêter, ils arrivè-