restait-il pas encore à vaincre ? Qui pouvait, prévoir les nouvelles ruses que les Indiens emploieraient contre eux ?
Ces réflexions n’avaient pas tardé à dissiper la première ivresse du triomphe, et à faire succéder un morne silence aux félicitations adressées par les deux chasseurs à Bois-Rosé.
Tout à coup Pepe bondit sur ses pieds en étouffant un cri, et cette fois ce fut un cri de joie :
« Bois-Rosé, don Fabian, s’écria-t-il, nous sommes sauvés, c’est moi qui vous en réponds.
— Sauvés ! répéta le Canadien d’une voix tremblante. Oh ! parlez, Pepe, parlez vite.
— N’avez vous pas remarqué, continua l’ex-miquelet, comment, il y a peu d’heures, l’îlot tout entier tremblait sous nos mains quand nous avons arraché quelques grosses branches pour nous fortifier ; ne vous rappelez-vous pas comment vous-même, Bois-Rosé, vous le faisiez trembler encore il n’y a qu’un moment ? Eh bien, j’avais songé un instant à former un radeau des troncs qui sont sous nos pieds, mais j’y renonce à présent ; nous sommes trois, nous pouvons, à force de bras, déraciner l’île elle-même et la mettre à flot. Le brouillard est épais, la nuit noire, et demain, quand le jour paraîtra…
— Nous serons transportés loin d’ici, s’écria Bois-Rosé. À l’œuvre ! à l’œuvre ! Le vent qui fraîchit indique l’approche du matin ; nous n’avons pas trop de temps devant nous. Si je n’ai pas perdu mon coup d’œil de marin, la rivière ne nous fera guère filer plus de trois nœuds à l’heure.
— Tant mieux, dit Pepe, le déplacement sera moins visible. »
Le brave Canadien ne prit que le temps de secouer la main de ses deux compagnons, et il se leva.
« Qu’allez-vous faire ? demanda Fabian. Ne pouvons-nous pas tous trois, comme l’a proposé Pepe, déraciner l’île en réunissant nos efforts ?