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mandement de dix peuplades, je le refuserais pour attendre ici l’heure où le sang dont j’ai soif coulera devant mes yeux. »

L’Oiseau-Noir raconta brièvement la captivité de Gayferos, sa délivrance par le Canadien, le rejet de ses propositions, et enfin le vœu de vengeance qu’il avait fait.

Le messager l’avait écouté gravement.

Il sentait toute l’importance d’une nouvelle action avec les chercheurs d’or, au moment où ceux-ci, enivrés de leur victoire, devaient se croire à l’abri d’une attaque si prochaine, et il insista en proposant à l’Oiseau-Noir de se faire remplacer dans son blocus par un chef de son choix.

L’Indien fut inébranlable.

Cependant le coureur ne se tint pas pour battu.

« C’est bien, dit-il, le moment n’est pas loin où le soleil va luire ; j’attendrai qu’il soit jour pour reporter aux Apaches la nouvelle que l’Oiseau-Noir préfère le soin de sa vengeance personnelle à l’honneur de sa nation tout entière. En différant mon départ, j’aurai retardé le moment où nos guerriers auront à regretter la perte du plus brave d’entre eux.

— Soit, dit l’Indien d’un ton d’autant plus grave que cette adroite flatterie chatouillait plus agréablement son orgueil ; mais un coureur a besoin de se reposer après une bataille suivie d’une longue course. Pendant ce temps, j’écouterai le récit du combat où le Chat-Pard a perdu la vie. »

Le messager s’assit près du feu, les jambes croisées, un coude sur le genou et la tête dans le creux de la main. Après quelques minutes de silence et de repos, pendant lesquelles les battements précipités de son cœur s’apaisèrent, l’Indien commença le rapport circonstancié de l’attaque du camp des blancs par sa peuplade. Il n’omit aucun des faits qui pouvaient réveiller la haine de l’Oiseau-Noir pour les Mexicains.