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exercer sur lui-même, l’Oiseau-Noir ne bondît sur ses pieds à cette nouvelle inattendue. Cependant il se contint, répondit gravement, quoique ses lèvres tremblassent :

« Qui t’envoie donc alors vers moi, messager de si tristes nouvelles ?

— Des guerriers qui ont besoin d’un chef pour réparer leur défaite. L’Oiseau-Noir n’était que le chef d’une tribu, il est aujourd’hui le chef d’une peuplade entière. »

L’orgueil satisfait brilla dans l’œil noir de l’Indien. Son autorité s’augmentait d’une part, de l’autre la défaite dont on lui transmettait la nouvelle démontrait la sagesse du conseil qu’il avait donné et que les chefs avaient repoussé.

« Si les carabines du Nord se fussent jointes à celles de nos guerriers, les blancs du Sud n’auraient pas été vainqueurs. »

Puis, son orgueil humilié rappelant à sa mémoire la manière injurieuse dont les deux chasseurs avaient repoussé ses propositions, ses prunelles lancèrent de farouches éclairs de haine, et il reprit en montrant du doigt sa blessure :

« Que peut faire un chef blessé ? Ses jambes refusent de le porter ; à peine pourra-t-il se tenir sur la selle de son cheval.

— On l’y attachera, reprit l’Indien. Un chef est à la fois une tête et un bras : si le bras est impuissant, la tête agira ; la vue du sang de leur chef animera toujours les guerriers. Le feu du conseil s’est allumé de nouveau après la déroute ; on attend l’Oiseau-Noir pour y faire entendre sa voix ; son cheval de bataille est prêt, marchons.

— Non, répondit l’Oiseau-Noir, mes guerriers entourent, sur ces deux rives, les guerriers blancs que je voulais avoir pour alliés ; à présent, ce sont des ennemis ; la balle de l’un d’eux a brisé pour six lunes le bras qui était si prompt dans le combat, et, m’offrît-on le com-