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Cependant les vapeurs qui se dégageaient du sein de la rivière se condensaient petit à petit, et se resserraient autour de l’îlot. Les rives du fleuve semblaient devenir de plus en plus lointaines, puis disparurent, et bientôt, au milieu d’un épais brouillard, les feux ne brillèrent plus que comme d’indistinctes et pâles lueurs sous la silhouette indécise et vaporeuse des arbres.



CHAPITRE XXXIII

L’ÎLE FLOTTANTE.


Jetons maintenant un coup d’œil sur le bord de la rivière occupée par l’Oiseau-Noir.

Les feux allumés sur les deux rives projetaient une lueur si prolongée et si éclatante que rien ne pouvait échapper aux regards des Indiens. Une sentinelle placée auprès de chacun des foyers était chargée d’observer avec soin tout ce qui pourrait se passer dans l’îlot.

Assis et adossé au pied d’un arbre, son épaule fracassée par la balle de Pepe et maintenue par des lanières de cuir, l’Oiseau-Noir ne laissait percer sur sa figure qu’une expression de férocité satisfaite ; quant à la souffrance qu’il éprouvait de sa blessure, il eût cru indigne de lui, comme Indien, d’en laisser paraître le plus faible indice.

Son œil ardent se fixait continuellement sur la masse sombre de l’île dans laquelle il supposait livrés à de terribles angoisses les trois hommes du sang desquels il avait tant de soif.

Pendant les premières heures de la nuit, la surveillance des Indiens put facilement s’exercer ; mais, à mesure que le brouillard se condensait, le cercle de lumière