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« Si ce joyau n’est pas faux, pensa-t-il, le gouvernement peut ne me payer jamais, je n’y tiens plus ; mais, en attendant, je vais commencer dès demain à crier comme un diable à cause de mon arriéré de solde. Cela fera bon effet.


II

L’ALCADE ET SON CLERC.


Nul ne sut combien de temps Pepe était resté à son poste en attendant le retour de l’étranger. Seulement, quand le chant du coq se fit entendre, que l’aube du jour commença à blanchir à l’horizon, la petite baie de l’Ensenada était complètement déserte.

Alors la vie sembla renaître dans le village. Des ombres encore indistinctes se dessinèrent sur les sentiers escarpés qui descendent vers le môle. Les bateaux, secoués par la lame, furent détachés de leurs amarres, et les premiers rayons du jour éclairèrent le départ des pêcheurs. Quelques minutes s’étaient à peine écoulées, et la flottille avait disparu dans la brume du matin, et, sur le seuil des portes, des femmes et des enfants se montraient et disparaissaient tour à tour. Parmi les chétives habitations du village, la seule qui n’avait pas encore entr’ouvert ses volets à la lumière matinale était celle de l’alcade d’Elanchovi, dont nous avons déjà parlé.

Il était grand jour, quand un jeune homme coiffé d’un chapeau à haute forme, usé, crasseux et luisant à certains endroits comme du cuir verni, se dirigea vers cette maison. Un pantalon si court qu’on aurait pu l’appeler culotte, si étroit qu’il avait l’air d’un fourreau de parapluie, si râpé qu’il n’aurait pas été trop chaud pour un jour de canicule,