Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, satisfait d’avoir eu le dernier mot, se rassit tout à fait soulagé. Quant à Bois-Rosé, il ne voyait dans les menaces de l’Indien que le refus de son héroïque sacrifice.

« Ah ! dit en soupirant le généreux vieillard, si vous m’aviez laissé faire, j’aurais arrangé tout cela à la satisfaction générale. Maintenant il est trop tard, n’en parlons plus. »

La lune était alors couchée ; le bruit lointain de la fusillade avait cessé ; le silence, l’obscurité, qui régnaient partout firent plus vivement sentir aux trois amis combien, sans ce renfort des Indiens, il leur eût été facile de gagner la rive opposée en portant même dans leurs bras le chercheur d’or mutilé. Celui-ci, insensible à tout ce qui se passait autour de lui, continuait à être plongé dans sa léthargie.

« Ainsi, dit Pepe en rompant le premier le silence funèbre qui planait sur tout, nous avons quinze jours devant nous. Il est vrai que nous n’avons guère de vivres. Ma foi ! nous pêcherons pour dîner et nous distraire. »

Mais les plaisanteries de Pepe ne furent pas suffisantes pour dérider le front soucieux du Canadien.

« Tâchons seulement, dit-il, d’employer utilement le peu d’heures qui nous restent avant le jour.

— À quoi faire ? demanda Pepe.

— À nous échapper, parbleu !

— Et comment cela ?

— Ah ! voilà l’embarrassant, reprit Bois-Rosé. Vous savez sans doute nager, Fabian ?

— Sans cela eussé-je pu échapper au cours impétueux du Salto de Agua ?

— C’est vrai ! je crois que la peur me trouble la tête ! Eh bien ! il ne nous sera pas impossible peut-être de creuser un trou au milieu de cet îlot, et de nous confier par cette ouverture au cours de l’eau. La nuit est suffi-