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les Mexicains. Le chef indien attendit donc vainement que le Canadien acceptât ou refusât ses propositions. Alors il reprit :

« Jusqu’à l’heure du supplice les blancs entendent la voix d’un chef pour la dernière fois. Mes guerriers entourent l’îlot comme la rivière, des quatre côtés. Le sang indien a coulé, il doit être vengé, il faut que le sang des blancs coule à son tour. Mais l’Indien ne veut pas ce sang échauffé par l’ardeur du combat, il le veut glacé par la terreur, appauvri par la faim. Il prendra les blancs vivants, puis, quand il les tiendra dans ses serres, non plus comme des guerriers, mais comme ces chiens affamés qui hurlent après un os de buffle desséché, alors l’Indien verra ce qu’ont dans les entrailles des hommes abrutis par la privation et la peur, il fera de leur peau une selle pour son cheval de guerre, et chacune de leurs chevelures sera suspendue à ses étriers et à sa croupière, comme un trophée de sa vengeance. Mes guerriers entoureront l’îlot quinze jours et autant de nuits, s’il le faut, pour s’emparer du rebut de la race blanche. »

Puis, après ces terribles menaces, l’Indien disparut derrière les arbres et cessa de se faire entendre. Mais Pepe ne voulut pas que l’Indien crût les avoir intimidés, et il s’écria aussi froidement que le lui permit la colère qui bouillonnait en lui :

« Chien qui ne sais qu’aboyer, les blancs méprisent tes vaines bravades, la vue de leur squelette seule troublerait ton sommeil ! Chacal, putois immonde, je te méprise ! Je te… je te… »

Mais la rage étouffait l’ex-miquelet, et, à défaut des mots qu’il ne pouvait plus prononcer, il suppléa par le geste et fit à l’Oiseau-Noir celui qui lui parut le plus méprisant.

Et un éclat de rire bruyant accompagna cette réponse de Pepe que ce geste outrageant avait un peu calmé et