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— À qui donc ? s’écria Pepe que cette comparaison n’adoucissait pas.

— C’est au géant, à son frère, l’aigle des Montagnes-Neigeuses, qui dédaigne d’imiter le langage des autres oiseaux.

— Que lui voulez-vous ? interrompit la voix de Bois-Rosé.

— L’Indien voudrait entendre le guerrier du Nord lui demander la vie, reprit le chef.

— J’ai une demande contraire à vous faire, dit le Canadien.

— J’écoute, répliqua l’Indien.

— Si vous voulez jurer sur l’honneur d’un guerrier, sur les os de vos pères, que vous accorderez la vie sauve à mes trois compagnons, je vais traverser la rivière seul, sans armes, et vous apporter ma chevelure frétillante sur mon crâne. Ça va le tenter, acheva plus bas le pauvre Bois-Rosé.

— Mais êtes-vous fou, Bois-Rosé ? » s’écria Pepe en bondissant comme un tigre blessé.

Fabian s’élança vers le Canadien.

Au premier pas que vous faites vers les Indiens, je vous poignarde, » dit chaleureusement le jeune homme.

Le rude chasseur sentit son cœur s’épanouir aux accents de ces deux voix qu’il aimait tant. L’Indien s’était tu pour se recueillir sans doute. Un moment de court silence régna, puis fut bientôt troublé par sa réponse.

« L’Oiseau-Noir veut que le blanc du Nord lui demande la vie, et celui-ci lui demande la mort. Ils ne peuvent s’entendre. Ma volonté est celle-ci : que l’homme du Nord quitte ses compagnons, et je jure sur l’honneur d’un guerrier, sur les os de mes pères, qu’il aura la vie sauve, mais lui seul : les trois autres doivent mourir. »

Bois-Rosé dédaigna de répondre à cette offre plus outrageante encore que celle de se joindre à lui contre