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« Feu ! » s’écria Bois-Rosé.

En même temps, l’Indien qui fermait la file tomba dans la rivière pour ne plus se relever ; deux autres, ajustés presque à loisir par Fabian et par l’Espagnol, se débattirent encore quelques instants au milieu de l’eau, qui ne tarda pas à les entraîner déjà sans mouvement.

Pepe et le Canadien avaient promptement rejeté leur carabine derrière eux pour que, selon leurs conventions, Fabian s’occupât à les recharger, et ils se tenaient debout cette fois sur le bord de l’île, la jambe étendue et le couteau à la main, attendant l’attaque corps à corps.

« Les Apaches sont encore sept ! s’écria d’une voix de tonnerre le Canadien, désireux d’en finir une bonne fois, et dont l’antipathie pour les Indiens se réveillait à leur aspect. Oseront-ils venir prendre les chevelures des deux blancs ? »

Mais la disparition de leur chef, la mort de trois des leurs avaient déconcerté les Indiens ; ils ne fuyaient pas ; tous restaient indécis, immobiles comme des rochers noirs à moitié baignés par les eaux lumineuses de la rivière.

« Les guerriers rouges ne savent-ils scalper que des cadavres ? ajouta Pepe avec un éclat de rire méprisant. Les Apaches sont-ils comme les vautours, qui ne dépècent que des morts ? Avancez donc, chiens, vautours, femmes sans courage, hurla l’Espagnol à la vue de ses ennemis, qui, cette fois, regagnaient rapidement la rive. »

Tout à coup il avisa, à quelque distance de lui, un corps flottant sur le dos ; mais des yeux étincelants prouvaient que ce n’était pas un cadavre, quoique les bras étendus et l’immobilité du corps eussent pu le faire croire.

« Don Fabian, ma carabine, pour Dieu ! voilà l’Oiseau-Noir qui fait le mort et se laisse entraîner au fil de l’eau. Le chien ne pouvait me donner une meilleure revanche. »