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— Dieu soit loué ! »

Alors l’Indien poussa de nouveau un cri d’allégresse, et descendit de l’arbre sur lequel il était monté.

Les trois chasseurs respirèrent.

Cependant le succès de leur ruse n’était pas encore complet. Il devait rester quelques doutes dans l’esprit des Indiens, car un long et solennel silence succéda au dernier coup de feu de l’Apache.

Le soleil se coucha, un court crépuscule étendit une couleur terne sur toute la nature, la nuit vint et la lune brilla sur la rivière, sans que les guerriers rouges eussent donné signe de vie.

« Nos chevelures les tentent, mais ils hésiteront encore à venir les prendre, dit Pepe en étouffant un bâillement d’ennui.

— Patience, répondit le Canadien, les Indiens sont comme les vautours qui n’osent déchiqueter le cadavre d’un homme que lorsqu’il commence à se corrompre, mais qui se décident à la fin. Les Apaches feront comme les vautours. Maintenant, reprenons notre position derrière les roseaux. »

Les chasseurs remirent lentement un genou en terre et recommencèrent à surveiller les mouvements des Apaches. Un instant la rive en face d’eux parut encore déserte, puis bientôt un Indien se laissa voir avec précaution d’abord, pour tenter la patience de l’ennemi, au cas où son immobilité dût cacher quelque ruse ; un autre guerrier se joignit à lui, et tous deux s’approchèrent de la berge avec une confiance croissante ; enfin, le Canadien en compta jusqu’à dix, dont la lune éclairait la peinture de guerre.

« Les Indiens, si je les connais bien, vont traverser la rivière à la file, dit Bois-Rosé ; Fabian, vous viserez le premier, Pepe visera au milieu, moi je me charge de l’avant-dernier. De cette façon, ils ne pourront nous aborder qu’à distance les uns des autres, et nous en au-