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en verrions quelques-uns grimper aux saules et restons immobiles. Les coquins ne voudront pas s’en retourner sans nos chevelures, et ils se décideront à venir à nous. »

Cette résolution du chasseur semblait lui avoir été inspirée par le ciel, car à peine étaient-ils étendus sur la terre, qu’une grêle de balles et de flèches trouèrent, hachèrent la ceinture de roseaux, et cassèrent les branches derrière lesquelles ils se tenaient une minute avant, mais les projectiles lancés horizontalement ne purent les atteindre. Le Canadien arracha brusquement sa veste et son bonnet comme s’il fût tombé lui-même sous les coups de ses ennemis, et le plus profond silence régna dans l’îlot après cette décharge en apparence si meurtrière.

Des cris de triomphe accueillirent ce silence, qui ne fut plus troublé qu’un instant après par une nouvelle décharge. Mais cette fois encore l’îlot resta muet et morne comme la mort.

« N’est-ce pas un de ces chiens qui monte encore sur ce saule ? demanda Pepe.

— Oui ; mais essuyons son feu sans plus bouger que si nous étions morts. C’est une chance à courir. Puis il ira dire à ses compagnons qu’il a compté sur le terrain les cadavres des quatre Visages-Pâles. »

Malgré le danger qu’offrait ce stratagème, la proposition de Bois-Rosé fut acceptée, et chacun resta immobile couché par terre à observer non sans anxiété toutes les manœuvres de l’Indien. C’était avec une extrême précaution que le guerrier rouge se hissait d’une branche à l’autre, et arrivait au point d’élévation nécessaire pour dominer l’intérieur de l’îlot flottant.

Il restait encore assez de jour pour ne perdre aucun des mouvements de l’Indien quand le feuillage ne le cachait pas tout à fait. Parvenu enfin à la hauteur désirée, l’Indien s’accroupit sur une grosse branche, puis