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cria le Canadien en cassant en cinq morceaux une petite branche sèche et en fichant les tronçons par terre, il est bon de compter leurs morts. »

Bois-Rosé quitta sa position horizontale pour s’agenouiller. Le soleil lançait ses dernières teintes à la cime des arbres.

« Attention, enfants, dit-il, j’aperçois là-bas remuer les feuilles d’un tremble, et à coup sûr ce n’est pas le vent qui les agite ainsi. C’est sans doute un de ces coquins qui grimpe ou qui est grimpé jusqu’au sommet. »

Une balle vint trouer un des troncs qui composaient le radeau et prouver que le chasseur avait deviné juste.

« Diable ! il faut agir de ruse et forcer l’Indien à se découvrir. »

En disant ces mots, il ôta le bonnet et la veste qui couvraient sa tête et ses épaules, et les mit largement en évidence à travers les interstices des branches. Fabian le regardait faire avec attention.

« Si j’avais devant moi, dit Bois-Rosé, un soldat blanc, je me mettrais à côté de ma veste, car le soldat tirerait sur elle ; devant un Indien, je me mettrai derrière, car le guerrier rouge ne se trompera pas de la même façon, et il tirera à côté de mes vêtements. Couchez-vous, Fabian, et vous aussi, Pepe, laissez-moi faire ; d’ici une minute vous entendrez la balle siffler à droite ou à gauche du but que je leur présente. »

Le Canadien s’agenouilla de nouveau derrière sa veste, prêt à faire feu sur le tremble. Il ne s’était pas trompé dans ses conjectures. En moins de temps qu’il ne l’avait annoncé, les balles indiennes coupèrent les feuilles aux deux côtés de la veste et du bonnet, mais sans atteindre le Canadien non plus que ses deux compagnons qui s’étaient écartés de droite et de gauche.

« Ah ! s’écria le Canadien, il y a des blancs qui peuvent battre les Indiens avec leurs propres armes. Fichez