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— J’aperçois là-bas, dit Fabian, entre ce saule et ce tremble, à dix pas de la touffe d’osier, un buisson qui, certes, ne s’y trouvait pas il y a une heure.

— Ah ! dit le Canadien, voilà ce que c’est que de vivre loin des villes, les moindres accidents de paysage se gravent dans la mémoire et deviennent de précieux indices : vous êtes né pour vivre de la vie des chasseurs, Fabian. »

Pepe levait sa carabine dans la direction du buisson indiqué.

« Pepe comprend à demi-mot, dit Bois-Rosé, il sait comme moi que les Indiens ont employé leur temps à couper ces branchages et à s’en faire des abris portatifs ; mais, en vérité, c’est par trop mépriser les blancs dont deux pourront peut-être leur apprendre des ruses qu’ils ne connaissent pas encore. Laissez ce buisson à Fabian, reprit le Canadien en parlant à Pepe. Ce sera pour lui un but facile ; vous, tirez sur ces branches dont les feuilles commencent à se flétrir. C’est derrière elles qu’est l’Indien. Au centre, au centre, Fabian, acheva-t-il vivement. »

Deux coups de feu partirent à la fois de l’île de manière à se confondre en un seul. Le buisson factice s’affaissa, non sans que l’œil des deux chasseurs eût aperçu un corps rouge qui se débattait derrière les feuilles, et les branches ajoutées à l’autre touffe d’osiers s’agitèrent convulsivement.

Pepe, Fabian et Bois-Rosé s’étaient jetés sur le dos, les deux premiers rechargeant leurs armes, le troisième prêt à faire usage de la sienne.

Une décharge de balles vint briser, au-dessus de la tête des chasseurs, des feuilles et des menues branches qui tombèrent en s’éparpillant sur eux, en même temps que le cri de guerre des Indiens surpris vint déchirer leurs oreilles.

« Si je ne me trompe, ils ne sont plus que quinze, s’é-