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début, ce n’est pas mal, et je puis vous assurer que, quand vous aurez comme nous un rifle kentuckien, vous serez un fort bon tireur. »

Le succès momentané qu’il venait d’obtenir paraissait avoir fait oublier au Canadien ses idées sombres, et s’adressant à Gayferos qui poussait de sourds gémissements :

« Nous sommes arrivés trop tard pour sauver la peau de votre crâne, mon garçon, dit-il, consolez-vous, ce n’est pas grand’chose. J’ai une foule d’amis qui sont dans le même cas que vous, et qui ne s’en portent pas plus mal ; ce sont des économies de coiffure, et voilà tout. La vie est sauvée pour l’instant, c’est l’essentiel, nous allons tâcher à présent que ce soit définitif. »

Quelques morceaux des vêtement de Gayferos servirent à maintenir autour de son crâne dépouillé une grossière compresse de feuilles de saules écrasées et largement abreuvées d’eau. Ce premier pansement terminé dissimula le spectacle de cette plaie hideuse. La figure du Mexicain, qui était couverte de sang, fut ensuite lavée.

« Voyez-vous, dit le Canadien, qui caressait toujours l’idée de garder son Fabian près de lui, il faut que vous appreniez à connaître les habitudes du désert et les mœurs indiennes. Les coquins, qui savent aux dépens de trois des leurs de quel bois nous nous chauffons, se sont retirés pour essayer de faire par la ruse ce qu’ils n’ont pu faire par la force. Voyez plutôt comme tout est silencieux après tant de bruit.

Le désert, en effet, avait repris sa morne immobilité, les feuilles des trembles murmuraient agitées par le vent du soir, et, sous le soleil qui s’abaissait, les eaux de la rivière commençaient à se teindre de couleurs plus vives. Au delà de l’échappé de vue, à travers les arbres, la plaine, si tumultueuse tout à l’heure, n’était plus qu’une immense nappe de sable où rien ne troublait le silence de la solitude.