Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prêt à faire feu au moindre signe d’hostilité de leur part.

Le Canadien avançait toujours pendant ce temps, et l’eau décroissait petit à petit autour de lui, quand un Indien leva sa carabine pour faire feu sur l’intrépide chasseur. Une détonation le prévint, et l’Indien laissa tomber son arme sur le sable, en tombant lui-même sur la face.

« À vous, don Fabian, » dit Pepe en se jetant à terre pour recharger son rifle, couché sur le dos, suivant l’habitude américaine en pareil cas.

Fabian pressa la gâchette à son tour ; mais son coup était moins sûr, et la portée moins longue de son fusil n’arracha à l’Indien qu’il visait qu’un cri de rage et ne le renversa pas. Quelques flèches volèrent en tournoyant vers le Canadien, mais Bois-Rosé, avec un sang-froid à toute épreuve, se baissait ou les écartait de la main, et, au moment où il prit terre sur la rive, Pepe avait rechargé sa carabine et se tenait prêt à faire feu une seconde fois. Il y eut chez les Indiens un moment d’hésitation dont le chasseur profita pour ramasser le corps de Gayferos.

Le malheureux, cramponné à ses épaules, eut la présence d’esprit de laisser les bras de son sauveur libres de leurs mouvements, et le Canadien, chargé de son fardeau, entra de nouveau dans l’eau, mais à reculons. Une seule fois la carabine de Bois-Rosé se fît entendre, et un Indien répondit à l’explosion par un cri d’agonie. Enfin, cette retraite de lion, soutenue par le feu de Fabian et de Pepe, imposa à leurs ennemis, et, quelques minutes après, Bois-Rosé victorieux déposait sur le terrain de l’îlot le pauvre Gayferos presque évanoui.

« En voilà trois hors de combat, dit le géant. Nous allons avoir une trêve de quelques minutes. Eh bien ! Fabian, voyez-vous l’avantage d’un feu de file ? Les coquins en ont assez pour le quart d’heure. Pour votre