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« Le malheureux n’appelle-t-il pas à l’aide ? » dit-il.

Et pour la première fois il leva sa tête au-dessus de la ceinture des roseaux.

À la vue du bonnet de peau de renard qui couvrait la tête du géant, et de la longue et lourde carabine que sa main paraissait soulever comme une baguette de saule, les Apaches reconnurent un de leurs formidables ennemis du Nord et tous reculèrent frappés d’étonnement à cette apparition soudaine. On ne doit pas oublier qu’à l’exception de l’Oiseau-Noir, aucun des guerriers indiens ne connaissait le signalement du chasseur. Celui-ci promena sur la rive où gisait Gayferos, au delà duquel les Apaches s’étaient reculés, un regard ferme et assuré. Il aperçut le malheureux scalpé qui appelait au secours d’une voix affaiblie, et tendait vers lui ses mains tremblantes.

L’Indien qui l’avait scalpé tenait encore dans ses doigts crispés par la mort la chevelure du guerrier blanc.

À ce spectacle terrible, le Canadien se leva et déploya sa taille gigantesque dans toute sa hauteur.

« Un feu de file contre ces chiens, dit-il, et n’oubliez pas qu’ils ne doivent pas vous prendre vivants. »

En disant ces mots, Bois-Rosé entra résolûment dans l’eau. Tout autre homme eût été couvert jusqu’à la tête ; mais le Canadien en surpassait le niveau de toutes ses épaules. Sa carabine tenait les ennemis en respect.

« Ne tirez qu’après moi, dit Pepe à Fabian ; j’ai la main plus sûre que la vôtre, et ma carabine kentuckienne a une portée double de votre fusil liégeois. Mais, en tous cas, faites comme moi, et tenez votre arme en joue. Si l’un de ces chiens fait un mouvement, laissez-moi le soin de l’empêcher de vous nuire.

L’Espagnol promenait son œil étincelant sur leurs ennemis qui se tenaient à distance, et menaçait du canon de sa carabine chacun des Apaches à son tour,