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Les trois chasseurs suivaient d’un œil anxieux, la carabine à l’épaule, les chances diverses de cette lutte d’un seul contre vingt ennemis. Tout à coup, au milieu du flot de poussière soulevée par cette course désespérée, une hache brilla sur la tête du malheureux Gayferos, qui, à son tour, mesura la terre, et que son élan entraîna presque jusqu’à la rive.

Le Canadien allait faire feu ; la crainte de tuer celui qu’il voulait défendre arrêta seul son doigt sur la gâchette. Un moment, un seul moment, le vent ouvrit une éclaircie dans le voile de poussière. Bois-Rosé fit feu, mais trop tard ; l’Indien qui roula sous la balle du chasseur brandissait à la main la chevelure sanglante du malheureux captif, gisant mutilé sur la rive.

À ce coup inattendu, suivi d’un cri de guerre poussé à la fois par le Canadien et l’Espagnol, les hurlements des Indiens répondirent en chœur. Les Apaches s’éloignèrent de celui qui ne paraissait plus qu’un cadavre. Bientôt, cependant, on vit le cadavre se relever sanglant, le crâne mis à nu, s’élancer de deux pas en avant et retomber épuisé, aveuglé par son sang qui coulait à flots.

Le chasseur canadien frémissait d’indignation.

« Ah ! s’écria-t-il, s’il lui reste une étincelle de vie, s’il n’est que scalpé, car on n’en meurt pas, nous le sauverons encore ! J’en prends Dieu à témoin. »



CHAPITRE XXXI

RUSES INDIENNES.


Comme le Canadien achevait le généreux serment que l’indignation lui avait arraché, il lui sembla qu’une voix suppliante arrivait jusqu’à lui.