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tance en avant de ses bourreaux rangés en ligne.

« Je vois ce qu’ils vont faire, dit Bois-Rosé, tout comme si j’avais assisté à leur conseil. Ils vont éprouver si ce malheureux a les jarrets plus solides que la main. C’est une chasse à courre dont ces démons vont se donner le plaisir.

— Comment cela ? demanda Fabian.

— Ils vont laisser quelque avance à leur captif, puis, au signal donné, il prendra son élan. Alors les Indiens courront après lui, la lance ou le casse-tête à la main. Si le blanc a les jambes agiles, il arrivera avant eux à la rivière, nous lui crierons alors de venir vers nous à la nage. Quelques coups de nos carabines le protégeront, et il arrivera sain et sauf jusqu’à l’îlot. Le reste sera notre affaire. Mais si la terreur paralyse ses jambes, comme elle faisait tout à l’heure trembler sa main, le premier Indien qui l’atteindra lui cassera la tête d’un coup de hache ou le traversera d’un coup de lance. En tout cas, nous ferons de notre mieux. »

En ce moment, les cinq Indiens qui s’étaient éloignés revenaient armés de pied en cap comme ceux qui les avaient précédés. Les nouveaux venus se joignirent à ces derniers.

Fabian jeta, tout en serrant violemment le canon de sa carabine, un regard de profonde compassion sur le malheureux blanc, qui, l’œil hagard, les traits décomposés par la terreur, attendait dans une horrible angoisse que le signal fût donné par le chef indien. C’était un moment terrible, car la chasse à l’homme allait commencer.

Dans l’îlot comme dans la plaine, tous attendaient ce moment avec une profonde anxiété, quand l’Oiseau-Noir fit un geste de la main pour suspendre un instant l’ouverture de cette affreuse chasse. Ce geste était facile à comprendre. D’un doigt il montra les pieds nus de ses guerriers, puis il désigna ensuite les brodequins de