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Et, dans l’exaltation de sa joie, il serra Fabian contre lui, puis il reprit avec une certaine solennité :

« Trois hommes ne se sont jamais trouvés dans un plus grand péril que celui qui nous menace, nos ennemis sont sept fois plus nombreux que nous. Quand chacun de nous aura tué six guerriers, ils resteront encore en nombre presque égal au nôtre…

— Nous l’avons déjà fait, interrompit Pepe.

— Eh bien ! nous le ferons encore, s’écria Fabian.

— Bien, enfant, bien, reprit Bois-Rosé, mais, quoi qu’il arrive, ces démons ne doivent pas nous prendre vivants. Voyons, Fabian, ajouta le vieillard d’une voix qu’il voulait encore rendre ferme, et en dégainant un long et large couteau à manche de corne, si nous étions sans poudre, sans munitions, à la merci des chiens, prêts à tomber entre leurs mains, et que ce poignard dans ma main fût la seule voie de salut, que dirais-tu ?

— Je vous dirais : « Frappez, mon père, et mourons ensemble. »

— Oui, oui, s’écria le Canadien en couvrant d’un regard d’ineffable affection celui qui l’appelait son père, ce serait encore un moyen de ne plus nous quitter. »

Et il tendit sa main tremblante d’émotion à Fabian, qui baisa respectueusement cette main herculéenne.

L’œil du Canadien brilla d’une orgueilleuse tendresse.

« Maintenant, dit-il, quoi qu’il arrive, nous ne nous séparons plus. Dieu fera le reste, nous essayerons de sauver ce malheureux.

— À l’œuvre donc ! s’écria Fabian.

— Pas encore, pas encore, mon enfant ; voyons d’abord ce que les démons rouges vont faire de leur prisonnier. »

Pendant tout ce dialogue, les Indiens avaient amené le captif, mais en lui laissant toujours la liberté de ses membres. Ils avaient formé une ligne droite à deux portées du fusil du rivage. Le blanc était à quelque dis-