Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et Pepe continua de regarder à travers les tiges des arbres.

Le chef indien avait pris lui-même une carabine, et il s’avança de nouveau sur la rive.

« Les mains de l’Oiseau-Noir ne tremblent pas comme l’herbe fanée sous le vent, dit l’Indien, qui leva sa carabine et la tint le canon tourné vers l’île, immobile et ferme dans ses vigoureuses mains. Mais avant de faire feu, continua-t-il, l’Indien attendra la réponse des blancs cachés dans l’île et il comptera jusqu’à cent.

— Mettez-vous derrière moi, Fabian, dit Bois-Rosé.

— Je reste ici, dit Fabian d’un air décidé. Je suis plus jeune et c’est à moi de m’exposer pour vous.

— Enfant, dit le Canadien, ne voyez vous pas que mon corps excède le vôtre de six pouces de tous côtés, ce serait donc présenter à la balle de l’Indien un double but. »

Sans faire trembler un seul des roseaux de la frange verte qu’ils formaient autour de l’îlot, le Canadien s’avança et s’agenouilla devant Fabian.

« Laissez-vous faire, don Fabian, dit tranquillement Pepe. Jamais homme n’aura eu plus noble bouclier que le cœur de ce géant qui ne bat d’effroi que pour vous. »

Le chef indien, la carabine étendue sur sa main, prêtait l’oreille tout en comptant ; mais à l’exception de l’eau qui bruissait en courbant les roseaux à ses pieds et de la brise chaude qui murmurait sur la rivière, un silence profond régnait partout de près et de loin.

L’Oiseau-Noir fit feu, et des lambeaux de sagittaires volèrent en l’air ; mais, agenouillés à la file l’un de l’autre, les trois chasseurs ne présentaient pas un large but, et la balle passa en sifflant à quelque distance d’eux.

L’Oiseau-Noir laissa s’écouler une minute, puis il s’écria de nouveau à haute voix :

« L’Indien se trompait ; il reconnaît son erreur, il ira chercher les guerriers blancs autre part.

— Crois ça et bois de l’eau, dit Pepe, le chien est plus