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dans l’intervalle qui sépare ces grandes herbes là-bas ? »

Mais le prisonnier n’avait compris que le peu d’espagnol mêlé au dialecte indien, et il resta muet et tremblant. Alors l’Oiseau-Noir dit quelques mots à l’un de ses guerriers, qui remit entre les mains du blanc la carabine dont ils s’étaient emparés, puis il parvint par gestes à faire comprendre au prisonnier ce qu’il attendait de lui. Le malheureux chercheur d’or ajusta ; mais la terreur agita ses membres, et sa carabine vacillait dans sa main de droite et de gauche et de haut en bas.

« Le pauvre garçon n’attrapera pas seulement l’îlot, dit Pepe avec insouciance ; et, si l’Indien n’a pas de meilleur moyen de nous faire parler, du diable si je dis un mot jusqu’à demain. »

Le blanc fit feu et, en effet, la balle échappée du canon mal dirigé par ses mains tremblantes, s’enfonça en sifflant dans l’eau à quelques pouces en deçà de l’île.

L’Oiseau-Noir fit un geste de mépris, puis se retourna cherchant de l’œil autour de lui.

« Oui, dit Pepe, cherche de la poudre et des balles parmi les lances et les lazos de tes guerriers. »

Comme l’ex-miquelet achevait cette réflexion consolante, les cinq cavaliers qui, sur l’ordre du chef indien, s’étaient éloignés, revenaient sur leurs chevaux caparaçonnés de nouveau, et armés eux-mêmes, pour le combat, de carabines ou de carquois gonflés de flèches. Ils avaient été reprendre les armes qu’ils avaient déposées pour donner plus librement la chasse aux chevaux sauvages. Cinq autres guerriers s’éloignèrent à leur tour.

« Ça se gâte, dit tristement Bois-Rosé.

— Si nous les attaquions pendant qu’ils ne sont plus que quinze, dit Pepe.

— Non, reprit le Canadien, restons muets et silencieux ; l’Indien doute encore que nous soyons ici.

— Comme vous voudrez. »