Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les plus faibles recherchent l’amitié des plus forts, et ils épousent toujours leur cause.

— La sagacité de ces chiens est admirable, dit Bois-Rosé à Pepe.

— Vous le trouvez, parce qu’ils vous flattent, reprit l’ex-miquelet dont l’amour-propre paraissait froissé.

— J’attends la réponse des blancs, » reprit l’Oiseau-Noir, et il écouta. « Je n’entends, continua-t-il, que la rivière qui bruit, que le vent qui me dit pour eux : Les blancs s’imaginent mille erreurs ; ils croient que l’Indien a ses yeux derrière la tête, que la trace du bison est invisible, que les roseaux sont à l’épreuve de la balle. L’Oiseau-Noir se rit de la réponse du vent.

— À la bonne heure ! dit Pepe, l’Indien parle son vrai langage ; il n’était pas dégoûté de chercher des alliés comme nous.

— Ah ! s’écria douloureusement le Canadien, si nous étions entrés deux milles plus haut dans la rivière !

— Un ami dédaigné, reprit sentencieusement le chef indien, devient un ennemi terrible.

— Nous disons quelque chose de semblable chez nous, ajouta Pepe à voix basse :

Ni pastel recalentado,
Ni amigo reconciliado[1]. »

En même temps l’Oiseau-Noir fit signe au captif de venir le rejoindre. Celui-ci s’avança ; le chef lui montra l’îlot du doigt en lui désignant l’interstice de deux touffes de roseaux :

« La carabine du Visage-Pâle, ce n’était pas chez l’Indien une allusion à la pâleur livide qui couvrait le front du malheureux, mais une désignation habituelle de la couleur de la peau des blancs, saura-t-elle jeter une balle

  1. Ni pâté réchauffé,
    Ni ami réconcilié.