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danseront autour des cadavres de leurs ennemis et des cendres de leur camp. »

Bois-Rosé et Pepe se regardèrent avec étonnement. Fabian, grâce à leur explication, comprit aussi qu’on leur proposait une alliance que leur conscience réprouvait ; et les éclairs de leurs yeux, le gonflement dédaigneux de leurs narines prouvèrent que le noble trio n’avait qu’un avis à ce sujet, celui de périr plutôt que d’aider des Indiens à triompher même de leurs mortels ennemis.

« Entendez-vous le mécréant, dit Bois-Rosé que son indignation emportait, et usant d’une image propre au langage indien, il prend des jaguars pour des chacals. Ah ! si Fabian n’était pas là, acheva-t-il tout bas, la balle d’un bon canon rayé serait la messagère de ma réponse. »

Cependant l’Indien conservait toujours la certitude de la présence des chasseurs dans l’îlot, il commençait néanmoins à perdre patience, car les ordres des chefs du conseil étaient péremptoires. Ces ordres étaient d’attaquer les blancs ; mais nous avons dit que le diplomate indien avait sa politique à lui qu’il voulait faire triompher. Il savait que jamais la balle d’un Américain ni d’un Canadien ne se trompe de but ; et, quel que fût le nombre des Mexicains, trois alliés du nord ne lui paraissaient pas à dédaigner. Il avait donc essayé de les gagner à sa cause.

« Le buffle des prairies, reprit-il, n’est pas plus facile à suivre à la piste que le blanc. La trace du buffle indique à l’Indien son âge, son embonpoint ou sa maigreur, le but de sa course et jusqu’à la date de son passage. Il y a donc derrière les roseaux du berceau flottant un homme fort comme un bison, plus haut que la plus longue carabine ; il y a avec lui un guerrier de race mêlée du sud et du nord et un jeune guerrier de la race pure du sud ; mais l’alliance des deux derniers avec le premier indique qu’ils sont les ennemis des blancs du midi, car