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faite par l’un des Indiens. Mais il fallait attendre le retour et l’approbation du chef. C’était le guerrier que nous connaissons déjà sous le nom de l’Oiseau-Noir.

Ce dernier avait continué ses recherches sur la rive en remontant le cours du Gila. Parvenu à l’endroit où Bois-Rosé et ses deux compagnons avaient quitté le sable pour entrer dans la rivière et gagner l’île qui leur servait de retraite, il ne douta plus que le rapport des éclaireurs ne fût exact, et il résolut d’en tirer parti ; il avait sa politique à lui, et il se détermina à la suivre.

Une fois assuré de la présence des trois guerriers blancs, l’Oiseau-Noir revint à pas comptés rejoindre sa troupe. Il écouta gravement le résultat de la délibération des Indiens, il répondit quelques mots en faisant signe à ses guerriers d’attendre ; puis, toujours du même pas mesuré, il s’avança sur le bord de la rivière, après avoir donné un ordre à voix basse à cinq de ses cavaliers qui partirent au galop pour l’exécuter.

Les plantes aquatiques s’épanouissaient au soleil ; l’air agitait les feuilles mobiles de l’osier sur les bords de l’îlot aussi inhabité en apparence qu’aux jours où le fleuve ne coulait encore que pour les oiseaux du ciel, les buffles et les chevaux sauvages des prairies. Un Indien seul pouvait ne pas se tromper à ce calme apparent.

L’Oiseau-Noir fit de sa main un porte-voix, et cria dans un langage moitié indien, moitié espagnol :

« Les guerriers blancs du nord peuvent se montrer ; l’Oiseau-Noir est un ami pour eux, ainsi que les guerriers qu’il commande. »

À ces mots que le vent apporta aux oreilles de Bois-Rosé et de ses deux compagnons, le Canadien serra fortement le bras du chasseur espagnol. Bois-Rosé et Pepe avaient compris le dialecte mêlé de l’Indien.

« Que répondrons-nous à ce chien ? dit-il.

— Rien, » répondit laconiquement Pepe.