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cles immobiles. Alors les Apaches commencèrent à délibérer entre eux.

Pendant ce temps, un Indien qui paraissait être le chef de la troupe et que son teint plus foncé et les plumes noires de sa coiffure distinguaient des autres guerriers, comme s’il dédaignait cette délibération futile pour une plus grave affaire, sauta à bas de son cheval. Il en jeta la bride à l’un des Apaches, qui la reçut respectueusement. Alors le chef s’avança droit vers l’îlot. Arrivé sur la rive, vis-à-vis, il sembla chercher des traces sur le sable.

Le cœur de Bois-Rosé battait avec violence dans sa poitrine, car cette manœuvre de l’Indien trahissait quelques soupçons sur leur position.

« Ce chien, dit-il à voix basse à Pepe, sentirait-il la chair fraîche comme l’ogre de nos contes de fées ?

Quien sabe ? (qui sait ?) » dit l’Espagnol par cette phrase qui, dans son pays, répond à tout.

Mais le sable, mille fois creusé par le sabot des chevaux sauvages qui étaient venus s’abreuver à la rivière, n’offrit aux yeux de l’Indien nul vestige humain. Alors il remonta le cours de l’eau en cherchant toujours.

« Le démon a quelques soupçons, dit Bois-Rosé, et dans ce cas il va retrouver les traces que nous avons laissées à un demi-mille d’ici quand nous sommes entrés dans le lit de la rivière pour gagner cet îlot. Je vous le disais bien, Pepe, continua le Canadien avec une sorte d’amertume, il fallait y entrer deux milles plus haut ; mais ni vous ni Fabian ne l’avez voulu, et moi, comme un fou, j’ai cédé à vos avis. »

Le brave Canadien, en disant ces mots, se frappait la poitrine, avec une force capable de défoncer les parois d’un corps humain ordinaire.

Pendant ce temps, la délibération relative au sort du prisonnier était sans doute terminée, car des cris de joie éclatèrent tout à coup à la suite d’une proposition