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suis attaché autant qu’à l’enfant qui eût été de mon propre sang, me suis-je inquiété de ses ancêtres ?

— Vous allez le réveiller en le prenant sur ce ton ; votre voix mugit comme une cataracte, dit Pepe.

— C’est… Et le géant continua d’un ton plus bas.

« Mais vous êtes toujours à me rappeler des choses que je désirerais ne pas savoir, ou que je voudrais du moins oublier. Je sais bien que quelques années dans le désert l’accoutumeront…

— Vous vous faites, en vérité, d’étranges illusions, Bois-Rosé, interrompit à son tour l’Espagnol, de vous figurer qu’avec les espérances qui attendent don Fabian en Espagne, et les droits qu’il veut revendiquer, ce jeune homme se décidera à vivre toute sa vie dans le désert. C’est bon pour nous qui n’avons ni feu ni lieu ; mais lui !

— Allons donc ! Est-ce que le désert n’est pas préférable aux villes ? répondit vivement l’ancien matelot qui tentait en vain de se dissimuler que l’Espagnol avait raison. Moi, je me charge de lui faire préférer la vie errante à la vie sédentaire. N’est-ce pas pour se mouvoir, se battre toute la vie, pour éprouver les puissantes émotions des déserts que l’homme est né ?

— Certainement, dit gravement Pepe ; voilà pourquoi les villes sont désertes, et les déserts si peuplés.

— Ne plaisantez pas, je parle de choses sérieuses, reprit le Canadien. Tout en laissant Fabian libre de suivre ses inclinations, je saurai bien lui faire aimer cette vie enivrante de fatigues et de périls. Voyez un peu, ce court sommeil savouré à la hâte entre deux dangers dans le désert n’est-il pas préférable à celui qu’on goûte après une journée de sécurité oisive dans les villes ? Vous-même, Pepe, consentiriez-vous à retourner à présent dans votre pays, depuis que vous avez apprécié les charmes de l’existence nomade ?

— Il y a entre l’héritier des Mediana, et je me charge,