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« Ne vous gênez pas, dit le miquelet, faites comme chez vous. »

Les rameurs, en effet, semblaient sûrs de ne pas être inquiétés, et, quelques secondes plus tard, les galets de la grève grincèrent sous la quille du canot.

« Oh ! oh ! dit tout bas le miquelet, pas un ballot de marchandises ! Ne seraient-ce pas par hasard des contrebandiers ? »

Trois hommes étaient dans le canot et ne paraissaient prendre que les précautions strictement nécessaires pour ne pas troubler trop bruyamment le silence de la nuit. Leur costume n’était pas celui que portent d’ordinaire les contrebandiers.

« Qui diable peuvent être ces gens ? » dit le miquelet.

À travers les touffes d’herbes jaunies qui bordaient la crête du talus où se tenait Pepe et s’élevaient au-dessus du niveau de sa tête, il put observer ce que faisaient les trois inconnus dans leur canot. À un ordre donné par celui qui était assis à la barre, les deux autres sautèrent à terre pour aller reconnaître les lieux, laissant seul celui qui paraissait être leur chef.

Pepe fut indécis un moment, ne sachant s’il devait les laisser s’engager dans le chemin creux ; mais la vue du canot abandonné à la garde d’un seul homme fixa bientôt son idée. Il resta donc plus immobile que jamais, et retint jusqu’à son souffle, pendant que les deux individus, armés chacun d’un couteau catalan, passaient à quelques pieds au-dessous de lui.

Il put alors voir que l’habit de matelot qu’ils portaient l’un et l’autre était celui adopté par les corsaires d’alors, et qui tenait le milieu entre l’uniforme de la marine royale et le sans-façon de la marine marchande ; mais il ne put distinguer leurs traits sous le béret basque qui couvrait leur tête. Tout à coup les deux matelots s’arrêtèrent. Un morceau de la crête du talus, émietté sous les genoux de Pepe, glissa légèrement le long de la berge escarpée.