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primitivement formé par des troncs d’arbres arrêtés par leurs racines au fond du lit de la rivière. D’autres arbres s’étaient échoués contre cet obstacle, les uns pourvus encore de leurs branches et de leur feuillage, les autres desséchés depuis longtemps, et de l’entrelacement de leurs racines il s’était formé comme une espèce de radeau grossier.

Depuis cette formation, il avait dû se passer bien des hivers et bien des étés, car des herbes desséchées arrachées aux rives par la crue des eaux et enchevêtrées dans les branches, avaient comblé les interstices de ce radeau. Puis la poussière que le vent chasse et transporte au loin, avait recouvert ces herbes d’une croûte de terre, et formait une sorte de terrain solide dans cette île flottante.

Des plantes marines avaient poussé le long des bords. Du tronc des saules avaient jailli des pousses vigoureuses qui, avec les roseaux et les sagittaires, entouraient cet îlot d’une frange de verdure bizarrement mariée aux squelettes des arbres ou à leurs grandes branches dépouillées d’écorce.

Cette espèce de radeau pouvait avoir cinq ou six pieds de diamètre, et un homme couché, ou même à genoux, quelle que fût sa taille, disparaissait entièrement derrière le rideau que formaient les pousses et les branches des saules.

Le soleil descendait vers l’horizon, et déjà un peu d’ombre projetée par la ceinture de feuilles et d’herbes s’allongeait sur le terrain de l’îlot. À la faveur de la fraîcheur que répandait cette ombre naissante, ainsi que des émanations de la rivière, Fabian dormait, étendu sur le sol. Bois-Rosé semblait surveiller ce sommeil précaire pris à la hâte après les fatigues d’une longue marche et au milieu des dangers sans cesse renaissants. Pepe se rafraîchissait en plongeant ses jambes dans l’eau.

Nous profiterons du sommeil momentané de Fabian