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construire soigneusement, en cas de nouvelle attaque, les lignes enfoncées de leurs retranchements ; puis, accablés de fatigue, de soif et de faim, sans songer à débarrasser l’enceinte du camp des cadavres qui le jonchaient, chacun s’étendit sur cette terre encore humide de sang pour y goûter quelques instants de repos. Bientôt, au milieu du silence imposant de la nuit, les lueurs de la lune et des bûchers mourants éclairèrent pêle-mêle ceux qui dormaient d’un court sommeil, comme ceux qui ne devaient plus se réveiller.



CHAPITRE XXVIII

LE FATALISTE.


Cependant au milieu de ce calme momentané qui avait succédé au fracas du combat, pendant que le sol altéré buvait tout le sang répandu sur sa surface, un seul homme se leva lentement au bout d’une heure environ. À l’aide de la clarté indécise d’un tison qu’il tenait, il interrogea tous les cadavres étendus à ses pieds. Il semblait chercher à lire sur ces figures livides ou sanglantes le nom qu’elles avaient porté de leur vivant.

Tantôt la lueur du tison éclairait la peinture bizarre d’un cadavre indien ou le visage pâle d’un blanc dormant côte à côte du sommeil éternel ; parfois un sourd gémissement signalait à ses recherches un des aventuriers blessés ; mais, à chaque investigation, le visiteur curieux faisait un geste de désappointement.

Tout à coup, au milieu de ce silence de mort que gardaient les vivants comme ceux dont l’âme avait abandonné le corps, une voix affaiblie appela l’attention du chercheur nocturne. Il essaya, dans la demi-obs-