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« Pauvre Benito ! s’écria Baraja, que Dieu ait son âme ! C’est une perte pour nous. Il n’est pas, je crois, jusqu’à ses effrayantes histoires que je ne regrette…

— Et, ce qui est le plus regrettable encore, interrompit Oroche, c’est la mort de l’illustre Cuchillo, le guide de l’expédition.

— Vos idées sont encore brouillées du coup de casse-tête que vous avez reçu sur le crâne, dit à son tour Diaz en essayant sur son étrier la flexibilité de la nouvelle épée dont il s’était pourvu. Sans l’illustre Cuchillo, comme vous l’appelez, nous n’aurions pas perdu ce soir vingt braves camarades au moins que nous serons forcés d’enterrer demain. Cuchillo a eu le tort de mourir un jour trop tard. Quant à lui, je n’ose dire : Dieu veuille avoir son âme ! »

Pendant ce temps, les Indiens délibéraient entre eux. Le dernier exploit de Diaz, la mort que plusieurs des leurs avaient trouvée dans le camp des blancs, ceux que les balles mexicaines avaient mis hors de combat, avaient éclairci leurs rangs. Les Indiens ne s’acharnent jamais à des exploits impossibles. Un singulier mélange de prudence et de mépris de la vie distingue cette race extraordinaire. La prudence leur conseillait la retraite ; ils l’exécutèrent aussi brusquement que l’attaque. Mais les aventuriers avaient une tactique différente à suivre. Il était urgent de profiter d’une victoire dont le bruit devait arriver jusqu’au fond des déserts et assurer désormais leur marche. Aussi l’ordre de poursuivre les fuyards donné par don Estévan fut-il accueilli avec acclamation. Une vingtaine de cavaliers s’élancèrent sur leurs chevaux. Pedro Diaz ne fut pas le dernier. L’épée d’une main, le lazo et la bride de l’autre, il ne tarda pas à disparaître avec ses compagnons aux yeux des Mexicains restés dans le camp.

Ceux-ci, quoique tous blessés plus ou moins grièvement, s’occupèrent d’abord, avant de se reposer, à re-