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val qu’il lui avait donné : « L’Indien que vous poursuivrez devra être monté sur les ailes du vent si vous ne l’atteignez pas, quelque avance qu’il ait sur vous, » et il résolut d’en faire l’épreuve.

Le noble animal, excité par l’éperon, franchit les retranchements renversés par les Indiens, et en un clin d’œil les deux cavaliers étaient côte à côte. L’Indien brandissait son casse-tête, Diaz pointait contre lui sa lame rougie. Ce fut, pendant quelques secondes, une lutte merveilleuse d’agilité, de courage et d’adresse. L’un et l’autre soutenaient la réputation des Mexicains et des Indiens, qui sont les premiers cavaliers du monde ; le casse-tête de l’Apache fit voler en éclats l’épée du Mexicain. Les deux combattants se prirent alors corps à corps pour essayer de s’enlever mutuellement de leur selle ; mais, pareils à des centaures, chacun d’eux semblait ne faire qu’un avec son cheval.

Enfin Diaz put se dégager de l’étreinte de son ennemi. Il fit reculer son cheval sans cesser de faire face lui-même à l’Indien, puis, quand il en fut à quelques pas, il fit cabrer sa monture si furieusement de deux coups d’éperon, que l’animal sembla planer un instant au-dessus du groupe de l’Indien et de son cheval. Au même moment le Mexicain leva la jambe droite sans que son pied lâchât l’étrier, et d’un coup de cet étrier de bois, large, pesant, cerclé de fer, il brisa le crâne de l’Indien, que son cheval emporta mort et non désarçonné.

Ce dernier et magnifique exploit fut comme la fin du combat qui durait depuis si longtemps. Quelques flèches volèrent sans l’atteindre autour de Diaz, que ses compagnons reçurent avec des hurlements de joie qui ne le cédaient pas en modulations sauvages à ceux des Apaches.

Diaz remplaça son épée brisée et reprit haleine. Un moment de repos indispensable aux deux partis eut lieu comme d’un commun accord. On put alors s’interroger et se reconnaître.